Pascal, éleveur d'agneau
Pascal Faudon a 35 ans. Il est berger depuis ses plus jeunes années; depuis que son père lui a légué la passion du pastoralisme. En septembre, il est revenu avec ses bêtes des hauts pâturages qu'il conduit en transhumance dans l'Isère. Les 700 brebis, les béliers, les chèvres et les floucas ont été rapatriés par camions dans sa ferme. L'hiver est l'époque où les brebis agnèlent et ont besoin de retrouver des températures plus clémentes.
Pascal les conduit rituellement dans un grand mas, aux portes de la Crau, qui résonne toujours du bruit du pas des troupeaux: le Mas Rouge. Puis le troupeau se scinde ; les mères et agneaux restent dans les grands espaces du Mas où elles empruntent les drailles qui mènent à l'herbe des champs ; cette herbe, drue, qui ne meurt même pas l'hiver. Les anouges, jeunes brebis d'un an, vont pâturer dans les fermes de Bel Air ; là, elles trouveront "la quatrième coupe", celle que les paysans conservent pour le berger.
Carole, la femme de Pascal garde son troupeau de chèvres à la ferme familiale ; 50 chèvres blanches qu'elle connaît individuellement. Elle fait elle-même les fromages et produits dérivés, notamment le délicieux cacha, fromage des bergers au goût violent et moelleux à cause de l'eau-de-vie qu'elle y rajoute avec une pointe d'ail. Carole vend ensuite ses produits sur le marché de Salon mais aussi sur des petits marchés du Luberon.
Pascal vient voir ses bêtes à Bel-Air de longues heures pendant la journée mais aussi la nuit afin de s'assurer qu'aucun chien errant ou renard n'aura perturbé le troupeau au repos. Dès qu'il arrive, Jasmin, Robin et Peloussard viennent vers lui et se posent avec fierté devant leur berger. Il faut dire que ce sont trois magnifiques floucas que Pascal a nourris au biberon depuis la naissance ; les floucas sont des mâles castrés qui deviennent les rois incontestables du troupeau.
Avec Lady, ils entraînent le troupeau et donnent le pas. Lady est la brebis tendresse qui vient vers Pascal dès son arrivée. Chez les "pastres" de la Crau, on dit qu'il y a toujours une brebis amoureuse du berger. C'est elle qui entraîne tout le troupeau derrière elle pour les longues ou les petites marches. Comment Pascal occupe les longues heures passées à garder son troupeau ? Il fait des bâtons, des sonnailles, des "clavelles" ou petites clés pour relier le redon à la cloche.
Tous les jours, il note sur son agenda les faits marquants de la journée : le nombre d'agneaux qui sont nés, telle ou telle brebis malade mais aussi ses derniers chagrins : récemment la mort de Leila, la brebis fidèle qui venait toujours vers lui lorsqu'elle l'apercevait. Elle avait 11ans. Il dit ne pas compter les heures dans ce métier qu'il a choisi, même s'il ressent parfois une ingratitude face à la disparité des rapports financiers.
Pascal est également le "médecin" de son troupeau; il sait faire une césarienne, soigner le piétin, la gale, les orgelets, provoquer l'adoption d'un agneau orphelin par une nouvelle mère. Il s'agit parfois de méthodes ancestrales qu'il tient de son grand-père ou de son père. Son rêve, le cabanon dans les montagnes éclairées par les étoiles avec sa femme et ses enfants, déjà de futurs petits bergers.
(La Provence - Edition de Salon-de-Provence - 3 Fév. 2008)
Date de dernière mise à jour : 22/04/2017